Par Michel Fily, le 2 mai 2018
Les Jeux paralympiques d’hiver de 2018 à Pyeongchang ont récompensé et mis à l’honneur des milliers d’athlètes qui ont dépassés leurs handicaps par le sport. Depuis les années soixante, ces jeux représentent une occasion mondiale rare de sensibiliser et de faire évoluer les mentalités. Des artistes de rue engagés ont rendu hommage à ces jeux au travers de grandes fresques murales aux couleurs des cinq anneaux. D’autres ont simplement souhaité graffer le handicap, avec leur propre vision artistique, pour le montrer, pour le dédramatiser, pour le défendre aussi. Certains sont allés jusqu’à détourner les pictogrammes « handicap » de signalisation. D’autres ont crée des fauteuils roulants customisés par des artistes… Voici, à l’occasion de la Journée de la Mobilité récemment célébrée, les portraits de ces remarquables initiatives.
En septembre 2016, dans la ville de Rio de Janeiro ou avaient lieu les jeux paralympiques, le projet « Rio Esporte Arte » a réuni cinq Street Artistes qui ont graffé cinq fresques aux couleurs des cinq anneaux, avec pour thème les sports olympiques. Bruno Big, João Nitcho, Mateu Velasco, Nicolau Mello et Thiago Tarm ont réalisé plus de 1 700 mètres carrés de graffitis, dans l’un des plus grands projets d’art urbain au Brésil. Située sur la place Ana Amélia, au centre-ville de Rio, la fresque murale de João Nitcho, intitulée « Basketball paralympique » (anneau jaune), rend hommage aux personnes handicapées et défend l’accessibilité. Son auteur, l’artiste brésilien João Nitcho est né en 1981, à Rio de Janeiro. Au début des années 2000, il a obtenu un diplôme en design graphique à l’Université catholique pontificale de Rio de Janeiro (PUC-RJ) et a développé un langage artistique urbain, faisant du scénario citadin sa référence et sa composition. Le travail de Nitcho mixe ses principales influences artistiques et musicales, tentant de « rendre visibles les sons dans la ville« , comme il l’explique.
Avec ses collages de rue, la Française Marie-Caroline Brazey aka MC Solaire a décidé elle-aussi de défendre le handicap en détournant avec art et humour le pictogramme qui sert de signalisation pour les emplacements réservés aux personnes handicapées. Adopté à l’international en 1968, le célèbre fauteuil roulant sur fond bleu représente les personnes en situation de handicap comme raides et statiques. Aux yeux de la jeune femme, cette image ne reflète en rien la réalité de toutes les personnes handicapées concernées par ce panneau. Avec beaucoup de créativité, MC Solaire le dynamise de manière à la fois poétique et frappante. « J’ai eu cette idée en recevant ma carte de stationnement. C’était un moment compliqué pour moi et j’avais trouvé ce pictogramme très limitant« , a-t-elle confié à France 3. Puis elle a continué sur sa lancée, transformant le logo en Wonder Woman, en Père Noël ou en sirène… Son initiative a été plébiscitée sur les réseaux sociaux.
D’autres artistes ont eu la même idée ailleurs dans le monde. En 2013, un groupe de graphistes américains avait décidé de faire de ce dessin « une métaphore de la volonté et de la détermination » des personnes handicapées, en inclinant le haut du corps du personnage et en fléchissant ses bras pour montrer qu’il est pleinement maître de ses mouvements et non dépendant de son fauteuil. Ils s’étaient inspirés du travail de Sara Hendren, étudiante en design à l’Université d’Harvard, qui avait déjà transformé les panneaux dans la ville de Boston. Son initiative avait été imitée jusqu’en Inde et en Italie.
Le graffeur français Oak Oak détourne toute la signalétique des villes. Les panneaux Stop, les sens interdits, mais aussi les places de parking réservées aux personnes handicapées. Originaire de Saint-Étienne, il imprime sa propre vision, ses propres références qui proviennent souvent de la culture Geek, sur le symbole blanc et bleu. Lui aussi conçoit son art comme un moyen de poétiser l’environnement urbain.
« Le handicap est trop souvent enfermé dans la case « fauteuil roulant » et le regard des gens en est influencé. J’espère qu’en donnant vie à ce pictogramme, le regard des gens puisse changer« , a expliqué MC Solaire. « Il y a beaucoup de choses à faire au niveau de la sensibilisation autour de handicap et des populations fragiles… Voitures, poubelles et autres obstacles obligent encore trop de personnes à mobilité réduite à faire des détours… Sensibiliser me semble être la clé !« . MC Solaire a choisi le collage comme mode d’expression pour éviter toute dégradation des objets de l’espace public.
A Dublin, en Irlande, deux sœurs, Ailbhe et Izzy Keane, ont eu l’idée de faire customiser les roues des fauteuils roulants par des artistes. Leur projet, Izzywheels, a été inspiré par Izzy qui est paralysée depuis sa naissance. Sa soeur Ailbhe avait remarqué que le fauteuil était la première chose que les gens voyait chez Izzy et que celui-ci ne reflétait rien de son individualité. Le projet collabore aujourd’hui avec de nombreux artistes à travers le monde pour offrir des fauteuils roulants colorés et créatifs qui aident de nombreuses personnes à mieux vivre avec leur handicap. « Imaginez-vous portant les mêmes chaussures, tous les jours de votre vie« , questionne Ailbhe Keane. « Nos gardes rayons sont facilement interchangeables. Ils donnent ainsi la possibilité aux usagers de changer de style, d’affirmer leurs goûts et leur personnalités« .
Le slogan d’Izzywheels est « If you can’t stand up, Stand out » (« Si vous ne pouvez pas vous lever, démarquez-vous!« ). Parmi les artistes contributeurs à ce projet : Alma Del Valle (Espagne), Bodil Jane (Pays-Bas), Brosmind (Espagne), Camille Walala (UK), Conor Merriman (Irlande), Dan Huston (USA), Fuschia MacAree (UK), James Earley (Irlande), Jane Newland (UK), Jess Phoenix (US), Karol Banach (Pologne), Kiki LJung (UK), Kim Sielbeck (Hawaï), Kitty McCall (UK), Loulou & Tummie (Allemagne), Marylou Faure (UK), Marijke Buurlage (Pays-Bas), Mark Conlan (Auqtralia), Maser (USA), Mireia Ruiz (Espagne), Okudart (Espagne), Orla Kiely (UK), Pamela Rhodes (UK), Paula McGloin (Irlande), Peter Donnelly (Irlande), Rob Gavin (Irlande), Ruan Van Vliet (Irlande), Sonny Ross (UK), Steve Simpson (Irlande), Supermundane (UK), Will Bryant (USA), Zebu (Allemagne)… Une liste qui s’agrandit chaque année.
Au Kosovo, le suédois Stefan Pelc, graffeur en fauteuil roulant, a collaboré avec Charlotta Boucht, une photographe freelance finlandaise, qui travaille avec des jeunes handicapés locaux, pour organiser des ateliers de graffitis. Les participants étaient environ 15 jeunes handicapés, accompagnés d’un grand nombre de bénévoles, d’amis et de membres des familles. Le résultat a été une semaine très créative. L’objectif de cet atelier graffiti était de promouvoir l’association locale « HandiKos » et d’attirer l’attention sur la situation des personnes handicapées au Kosovo. Le groupe a graffé une grande fresque. Plusieurs stations de télévision locales et régionales ont documenté le travail des jeunes, qui a eu un impact national dans les médias. « Moi, qui suis aussi en fauteuil roulant, je vis une « vie de luxe » en Suède. J’ai un travail, des droits à une assistance et à la technologie, dans un pays où les autorités, les municipalités se concentrent sur l’accessibilité« , a déclaré Stefan Pelc. « Ça me rendrait heureux si mes amis handicapés au Kosovo pouvaient aussi avoir ça!« .
Le graffeur norvégien Dolk qui pratique l’art du pochoir dans le monde entier a peint dans la ville de Bergen, sur l’ile de Lofoten et ailleurs plusieurs fresques célèbres sur le thème du handicap, parmi lesquelles les « Wheel Chair lovers » et son « Somnambulo« . Dolk est né à Bergen, en Norvège, en 1979, a étudié le graphisme à Melbourne et a commencé avec l’art du pochoir en 2003.
Il revendique une filiation évidente avec le père du Street Art Banksy dont il s’inspire pour créer. A Londres, certaines de ses oeuvres ont été prises pour celles de Banksy. Depuis 2006, Dolk participe à des expositions et des festivals dans le monde entier.
La Street Artiste Zabou a été mandatée à l’occasion de la Semaine européenne du handicap, pour peindre une grande peinture murale à Altkirch, en Alsace. Le bâtiment qu’elle a peint est occupé par des résidents ayant des problèmes de santé mentale qui ont choisi son travail pour parler de leur handicap. Sa fresque de 12 mètres de haut représente un petit garçon qui tient un bouquet de ballons et s’envole vers le ciel. le concept original comprenait un fauteuil roulant, mais il a été supprimé pour que la fresque représente l’intégralité des personnes handicapées et pas seulement celles en fauteuil. Française d’origine, Zabou a déménagé et commencé à peindre à Londres en 2012. Travaillant avec le graff à main levée (« free hand« ), Zabou aime questionner la société et taquiner les idées reçues. Elle est l’une des artistes les plus actives de la scène Street Art. Elle a peint au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Italie, à Chypre, au Portugal, en Suède, en Espagne, aux Pays-Bas, en Israël, à Dubaï, en Colombie et aux États-Unis.
Au Canada, en 2015, l’artiste Charlie Johnston aka C5Charlie a peint une grande peinture murale longeant l’autoroute intitulée « La vie en mouvement« . « Cette oeuvre fait suite à une autre fresque que j’avais réalisé précédemment sur le cyclisme. Elle représente un homme en chaise roulante qui s’entraine pour devenir une athlète paralympique« , a expliqué C5Charlie. L’artiste a insufflé beaucoup de mouvement et d’énergie cinétique à sa peinture, où les jambes de l’homme se libèrent progressivement de leurs entraves pour marcher. Il a peint cette fresque pour la compagnie Innovative Medical Supplies, qui promeut la thérapie sportive aux Etats-Unis. Le Street Artiste peint depuis 30 ans dans le monde entier et en Asie en particulier.
Unlimited Global Alchemy est une commission artistique britannique dirigée par l’artiste visuelle britannique Rachel Gadsden, en partenariat avec l’artiste-activiste sud-africain Nondumiso Hlwele et le groupe Bambanani (Cape Town, Afrique du Sud). Rachel Gadsden est une artiste qui expose à l’international et qui oeuvre en faveur du handicap. En 2016, pour célébrer le lancement des Jeux paralympiques de 2016 à Rio de Janeiro, Rachel Gadsden a peint les décors d’une cérémonie d’allumage des flambeaux du patrimoine à Aylesbury, près d’Oxford. Elle a, de même, depuis 2010, effectué de nombreux « live painting« , en association avec d’autres formes d’art comme le chant et la danse, de fresques sur le sujet du handicap.
Malgré ces très belles initiatives, il reste malheureusement de nombreux progrès à faire en matière d’exposition du handicap. En 2017, en Australie, le Conseil municipal de la ville de Maribyrnong, près de Melbourne, a présenté ses excuses avoir autorisé la destruction d’une fresque initiée par Larissa MacFarlane et créée par une équipe d’artistes vivant avec un handicap. Larissa MacFarlane est une artiste visuelle accomplie, largement considérée pour son art de collage, malgré un handicap cérébral reconnu. Plus de 40 personnes ont passé des centaines d’heures à installer le collage « Disability Pride« . Ce travail était destiné à célébrer la Journée internationale des personnes handicapées, mais la fresque a été détruite quelques heures après avoir été édifiée. Larissa MacFarlane a dénoncé un « acte de mépris flagrant« , illustrant, selon elle, la façon dont les personnes handicapées sont traitées en Australie.
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