
Par Michel Fily, 28 mai 2020
L’équipe Spacejunk Grenoble vient d’annoncer l’«Édition Résilience» du Street Art Fest Grenoble Alpes, une édition réinventée et adaptée aux circonstances actuelles qui se déroulera dans un premier temps pendant le mois de juin, puis dans un second temps lors des mois de septembre et octobre 2020. La toute première période de réalisations se déroulera avec des artistes nationaux de renom : Brusk, Snek, Combo et Marco Lallemant. Le festival commencera d’accueillir, ensuite, avec l’ouverture des frontières, les artistes internationaux. Urban Street Art Urbain a rencontré le Directeur de Spacejunk lors de l’édition 2019 du Street Art Fest.
Un entretien visionnaire…
Bonjour Jérôme Catz, peux-tu te présenter aux lecteurs ?
Je suis Directeur du Street Art Face Grenoble Alpes, Commissaire d’expositions et Directeur de trois centres d’art en France, qui s’appellent Space Junk. Le premier a ouvert à Grenoble en 2003, le second en 2007 à Bayonne avant celui de Lyon en 2009. Je m’occupe de la programmation artistique de ces trois lieux, en faisant tourner des expositions pour augmenter la portée des artistes, en leur permettant de rencontrent un public trois fois plus large qu’avec un seul lieu. La vocation première de ces centres d’art, c’est la rencontre optimale entre le public et l’œuvre. Leur programmation s’articule autour de trois mouvements artistiques, à la fois complémentaires et issus de la même culture, qui sont le Lowbrow, le Street Art et le Pop Surréalisme. En 2011, les éditions Flammarion m’ont demandé d’écrire un ouvrage sur le Street Art. Ils recherchaient quelqu’un avec une vision globale, à l’échelle de la planète, de cette discipline qui est en train d’acquérir ses lettres de noblesse. J’ai d’abord écrit «Street Art mode d’emploi», ce qui m’a permis de réviser mes basiques, puis j’ai continué à «tirer le fil», à me spécialiser de plus en plus dans cette discipline, qui est multiple et qui s’enrichit tous les jours de nouvelles pratiques. Je viens d’entamer une thèse universitaire sur le sujet.
Comment passe-t-on de champion de glisse à galeriste, Directeur de centre d’art et Directeur de festival?
Je dois mon parcours à une multitude de facteurs. Mais je parlerais plus simplement de «karma». Entre dix et quatorze ans, j’ai découvert les sensations du ski, de la glisse, j’ai vécu un rêve éveillé, des émotions, des sensations insoupçonnées, qui ont fait de moi un passionné. A partir de ce moment là, je n’ai pas cessé de rechercher, dans toutes mes activités, ces mêmes sensations, ces mêmes émotions. J’ai côtoyé, d’égal à égal, des idoles comme Serge Vitelli, Emmanuel Petit, les frères Guillochin… Des figures tutélaires qui m’ont accueillis avec bienveillance et qui m’ont fait me sentir grand. A trente trois ans, j’ai du laisser la place aux jeunes qui arrivaient sur la scène des sports de glisse. Je l’avais prévu de longue date. J’ai ouvert Space Junk en me disant : «Je vais offrir des murs blancs à des artistes qui ont du mal à exposer autre part que dans des bars ou dans des magasins de fringues». J’ai appelé mon premier espace Board Culture Art Center, j’y exposais des artistes dont le travail avait été utilisé par l’industrie des sports de glisse. Et déjà à l’époque, je choisissais les planches plus pour leur esthétisme que pour leurs qualités d’objets sportifs.
« La vocation première de mes centres d’art, c’est la rencontre optimale entre le public et l’œuvre »
J’ai grandi à Saint Martin D’Hères, bercé par le Bol d’or, mythique course internationale moto de vingt quatre heures. J’y ai vu chaque année des artistes avec leurs machines à sérigraphie qui faisaient des décalcomanies pour tee-shirts, etc. C’est là que j’ai rencontré, au début des années 80’, Rat Fink d’Ed Roth et la «Custom Culture» américaine. C’est aussi à cette époque que le Hip-hop a débuté et que le Street Art est arrivé en France. Je crois que j’ai eu mon premier choc esthétique avec l’album de Guns and Roses. La couverture originale est un tableau de Robert Williams, une peinture au plomb intitulée «Appetite for Destruction». A l’époque, le numérique n’existait pas. J’ai passé des jours et des heures à regarder cette œuvre… C’est Robert Williams qui a inventé le terme «Low Brow» et qui a contribué à l’avènement du Pop Surréalisme. J’étais aussi un fan inconditionnel de Reiser et de Métal Hurlant. J’ai aussi la chance d’être issu d’une génération où le punk et le RAP se côtoyaient. Ma vision artistique est à l’intersection de tous ces univers.
Quelle distance il y a entre tes centres d’art et tes premiers festivals?
Treize années se sont écoulées entre le premier Space Junk et le premier Street Art Fest. L’équation économique n’a jamais priorisé la vente d’œuvre d’art. Je me suis toujours fais fort de présenter ce que je trouve intéressant et l’unique vocation est pédagogique. Il y avait donc des d’exposition où rien ne se vendait et d’autres ou il n’y avait rien à la vente. A un moment donné, je me suis demandé comment continuer à faire grossir la machine pour toucher plus de public. S’adresser au plus grand nombre. L’idée a toujours été celle d’une éducation populaire. En 2013, lorsque mon livre a été publié, j’ai constaté qu’il manquait un évènement à l’échelle mondiale qui agrège toutes les manières de faire su Street Art. Et je me suis dit que ce serait bien de le créer. Pour que l’œuvre d’art soit à la fois dans les centres d’art et dans les centres villes. J’ai d’abord soumis en 2012 le projet à la ville de Lyon, qui l’a refusé. Mais en 2014, Grenoble a changé d’équipe municipale. J’ai rencontré Corinne Bernard qui m’a dit que c’était exactement ce qu’elle recherchait, que les Grenoblois rencontrent une œuvre d’art tous les jours sur leur parcours quotidiens. Ils ont mis 9000 euros sur la table. Ce n’était pas grand-chose, mais ils ont montré leur bonne volonté, leur envie de faire. On fait une belle édition sur dix jours. La seconde a duré deux semaines et demies et la troisième un mois. Aujourd’hui, les budgets sont beaucoup plus importants, mais la ligne artistique est restée la même : le Street Art dans toute se diversité et sous toutes ses formes.
Et qu’est-ce que le Street Art pour toi?
C’est l’art plastique dans l’espace public, conjugué avec le fait que l’artiste qui crée son œuvre dans cet espace se définisse lui-même comme un Street Artiste. Ce n’est pas toujours le cas. En outre, un Street Artiste doit exercer son art depuis suffisamment longtemps pour avoir la possibilité de se réclamer de ce mouvement.
Comment choisis-tu tes artistes?
Il n’y a que du Street Art. Et j’essaye de proposer l’offre la plus éclectique possible. J’ai la même exigence pour les Space Junk que pour la sélection et la programmation du festival, une exigence de savoir faire artistique. Je suis très attentif aux qualités techniques, mais aussi aux sujets traités. Je recherche la conjugaison parfaite de gens qui ont une excellente maîtrise de leur médium et qui se servent de ce médium pour dire des choses. Des choses dites parfois très frontalement comme pour Goin, d’autres avec plus d’humour comme chez Beast. Parfois avec un biais presque effrayant, mais incroyablement imposant. Parfois avec une subtilité insoupçonnée…
Cette ligne artistique a-t-elle évolué depuis les premières éditions du festival?
L’exigence que j’ai eue dès le départ, je ne peux pas vraiment l’affiner. J’ai toujours la même envie de donner le meilleur et d’inviter les artistes qui sont les meilleurs dans leurs disciplines. J’essaie simplement de rester fidèle à cette ligne directrice. De ne pas tomber dans le piège d’un catalogue de grands noms, célèbres mais qui ne disent rien. Je dois rester vigilant.
« Je recherche la conjugaison parfaite de gens qui ont une excellente maîtrise de leur médium et qui se servent de ce médium pour dire des choses »
Comment tu envisages-tu l’avenir aujourd’hui?
Avec la perspective de trois degrés de plus dus au réchauffement climatique dans onze ans, à mon avis, d’ici deux ou trois ans, on s’inquiètera plus de comment faire pousser des patates et comment essayer de les conserver que de Street Art… Aujourd’hui, j’essaie, autant que faire se peut de sensibiliser le public au Street Art, entre autres pour qu’à travers ces images dans l’espace public, il y ait une vraie prise de conscience écologique, sociale, pour que les gens aient envie de se battre pour défendre des idées, de ne pas se laisser faire, de prendre la parole. Mais je ne suis pas sur que le Street Art ait un avenir. Notre société va être très vite dépassée, par des sujets bien plus graves que le Street Art…
Tu veux dire que l’art n’aura plus du tout sa place?
Je veux dire qu’à un moment donné on va se prendre une claque monumentale ! Nous faisons tous intégralement partie de la nature, et nous sommes le truc qui est en train de la perturber. A un moment donné, la nature va reprendre le contrôle des choses et remettre les compteurs à zéro.
Si j’étais le génie de la lampe d’Aladin et que je pouvais exhausser trois vœux, lesquels choisirais-tu?
Le premier et le dernier serait que tous les hommes sur cette planète reconnaissent la part de nature qu’il y a en eux. Qu’ils la reconnaissent d’un point de vue organique. Et qu’ils se reconnectent avec la nature. Si ce souhait était exhaussé, cela résoudrait presque tous les problèmes du monde…
Avec l’assurance de leurs venues, l’équipe Spacejunk Grenoble annoncera les artistes du Street Art Fest Grenoble Alpes au fil de l’eau, sur ses médias et réseaux sociaux. En plus des différentes réalisations, certaines activités ont été imaginées spécialement pour cette «Édition Résilience». En partenariat avec Graaly, un Escape Game qui mêle le Street Art et la découverte de la ville de Grenoble vous sera proposé. Une exposition collective, d’artistes issus du Street Art local et international, ainsi que celles réalisées par les élèves de l’institut Univeria de Grenoble, sera présentée à la Maison de l’International. Et bien d’autres surprises sont en préparation…
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