Par Michel Fily, 11 juin 2019
Lorsqu’on regarde son travail, on pense à Picasso, à Keith Haring, à Joan Miró… La jeune œuvre d’Etus, au style narratif et accumulateur déjà très marqué, foisonne de nature et de personnages fantastiques, entre créatures mythologiques et figures naïves à la Jean-Michel Folon. Urban Street Art Urbain a rencontré l’artiste à Collision Urbaine, le « warm up » de la 5ème édition de l’Urban Art Jungle, organisée par Superposition, qui aura lieu du 14 au 16 juin 2019. Etus a été choisi pour dessiner les affiches des deux évènements et il fait partie des artistes invités à l’UAJ#5 .
Bonjour Etus, peux-tu te présenter aux lecteurs ?
Je m’appelle Etus, j’ai 26 ans, je suis né et je vis à Lyon. J’ai grandi à Miribel, dans l’Ain et je suis venu habiter dans mon propre appartement à Lyon il y a 7, 8 ans. Mon seul diplôme est un CAP Signalétique, enseigne et décor. Je suis autodidacte, je n’ai pas de qualification particulière pour l’art, mais j’ai toujours aimé dessiner, depuis mon enfance. Il n’y a pas longtemps que je fais du mur. Je peignais essentiellement sur toile et sur médium. J’ai officiellement intégré l’atelier de la Galerie Alcôve il y a deux ans. Avant cela, je travaillais chez moi.
Qu’est-ce qui a déclenché ta carrière artistique ?
Ma rencontre avec les responsables et les artistes d’Alcôve a été décisive. À cette époque, j’exposai au Café des Artistes. Deux jeunes femmes qui travaillaient en binôme dans la galerie ont vu mon exposition et m’ont contacté en me disant que ce que je faisais pourrait intéresser Alcôve. C’est comme cela que j’ai commencé à travailler avec eux. J’ai d’abord pris part à un premier projet, en résonnance avec la Biennale d’Art Contemporain de Lyon, c’était il y a deux ans. Un ou deux mois après, j’ai reçu un message m’apprenant qu’une place se libérait à l’atelier et me demandant si j’étais intéressé. Nous sommes sept artistes à œuvrer en résidence à Alcôve. Une peintre, une artiste coréenne qui fait de la laque, une artiste chinoise qui travaille l’encre, une sérigraphiste, une illustratrice qui dessine au stylo et au feutre… Et Tang, qui est peintre depuis 25 ans et avec qui je développe pas mal de projets en binôme.
Quels sont tes techniques et supports ?
Je peins sur murs, sur toiles, sur médium, sur skate-boards, sur vases, sur des pochettes de disques… sur tous supports. Là où je peux dessiner, je dessine. En ce moment, surtout en noir et blanc, à l’acrylique et au Posca, au marqueur et au feutre. Avant, mes pièces étaient beaucoup plus colorées, comme les affiches que j’ai réalisées pour Superposition. Aujourd’hui, je reviens vers le noir et blanc par lequel j’ai commencé, avec l’envie d’expérimenter les nuances de gris, de voir comment ça marche pour ensuite peut-être revenir vers la couleur. Je pense que je dois repasser par cette étape pour mieux l’assimiler et comprendre où mettre le gris, le foncé, le clair… Reprendre un peu les bases, en quelque sorte. Rechercher la lumière, approfondir le regard, pour enrichir la narration. Mon art est très spontané. Je sais mal décrire ce que je fais. Tout ce que je sais, c’est que cela vient de mon inconscient. Je ne planifie jamais mes œuvres. Je commence et je regarde où ça m’emmène. Parfois ça marche bien et parfois ça m’emmène trop loin, alors j’efface tout et je recommence (rires). Sur certaines de mes toiles, il y a une quinzaine de couches de tentatives avant le tableau final et sur la dernière phase, il reste seulement un petit trait en relief de la toute première peinture. Je trouve ça cool, c’est la petite histoire derrière l’histoire de mon tableau…
Quelles sont tes inspirations ?
Tout ce qui m’entoure m’inspire. Tout ce qui me donne de l’émotion et en particulier la musique, que j’écoute constamment et sans laquelle je ne peux pas travailler. J’écoute sans discrimination toutes sortes de musiques, du Rap à la Disco japonaise en passant par le Rock. La musique éveille des souvenirs et me transporte dans l’état émotionnel que je recherche pour créer. Parmi mes autres sources d’inspiration, il y a Tang qui m’influence beaucoup. Il représente un peu ce que j’aimerai être plus tard. Il vit entièrement de son art aujourd’hui. Je ne cherche pas à gagner des millions, je veux juste pouvoir payer mon loyer, mes repas et ma vie quotidienne, sans avoir besoin de faire autre chose que de créer.
Quelle réaction attends-tu des personnes qui rencontrent tes œuvres ?
Ce qui m’intéresse, c’est d’observer les émotions qu’elles leur procurent et qui ne sont pas forcément les mêmes que les miennes au moment de la création. À une certaine période, mon art était plus sombre, en lien avec des angoisses que je gérais, des questionnements sur ma vie et sur mon futur en tant qu’artiste. Une jeune femme qui était passée à la galerie s’était arrêtée longtemps devant une de ces toiles et m’avait dit : « C’est flippant, parce que j’ai eu l’impression que tu avais dessiné un de mes cauchemars ». J’ai été bouleversé par cette connexion. Ce sont vraiment les réactions émotionnelles qui me touchent, plus que les commentaires ou les éloges. Il y a quelques années, j’avais peint une série de personnages inspirés de la mythologie et parmi eux une sorte de Bacchus tenant un verre de vin, qui est resté plusieurs mois sans être vendu. Je n’avais pas titré cette toile. Un jour, j’ai reçu un message sur Instagram d’un acheteur qui me disait qu’il aimait vraiment ce tableau, mais qu’il était un peu cher pour ses moyens, qu’il regrettait de ne pas pouvoir l’acheter et qu’il voulait que je sache combien il l’avait touché. En relisant son message, j’ai vu que le client s’appelait Bacchus… Je l’ai recontacté et lui ai cédé la peinture à son budget, parce que j’avais compris que ma toile avait trouvé la bonne personne.
Peux-tu nous parler de ta rencontre avec Superposition ?
Je les ai rencontrés à l’occasion d’un concours qu’ils ont lancé l’année dernière pour l’illustration de l’affiche de la cinquième édition de l’Urban Art Jungle et auquel j’ai décidé de participer. J’ai gagné ce concours et Superposition m’a demandé de créer aussi l’affiche de Collision Urbaine et de prendre part aux deux évènements, pour réaliser des murs. Les dernières fresques que j’avais faites dataient de 2016. Je les avais peintes en vandale, seul, dans des lieux abandonnés. Cette participation m’a fait reprendre goût au travail mural et je suis très heureux de prendre part à l’UAJ#5. Au début, j’étais assez stressé parce c’est un gros évènement. Ils m’ont demandé de faire une bombe, un skate et une toile pour l’occasion. Ça m’a beaucoup motivé. J’ai aussi rencontré d’autres Street Artistes à Collision Urbaine et je me suis rendu compte que cette émulation avec plein d’univers différents me manquait. On a tous nos blocages. Ces rencontres m’aident à faire un travail sur moi-même de lâcher-prise…
Est-ce que tu te considères comme un Street Artiste ?
Je ne me donne pas le droit de revendiquer cela, même si je fais du mur. Le Street Art a eu un impact énorme sur moi, qui venait de la campagne. Les premiers graffeurs que j’ai accompagnés la nuit pour faire du vandale ont libéré l’artiste en moi. J’ai trop d’estime pour cette discipline pour me prétendre Street Artiste… C’est pour cette raison que j’avais peur de participer aux évènements de Superposition, au départ. Je me disais : « Tu n’es pas légitime ». Mais les organisateurs et les autres artistes n’ont fait preuve d’aucun préjugé et m’ont donné une leçon d’ouverture d’esprit.
Est-ce que c’est plus facile d’être peintre que d’être Street Artiste ?
Je ne sais pas trop. À mes yeux, le Street Art vit beaucoup avec les réseaux sociaux. J’ai été un peu happé par ce phénomène et puis j’ai décidé de m’en détacher pour me lancer dans ma collaboration avec la Galerie Alcôve. J’ai tout quitté pour ça. J’ai fait toutes sortes de métier avant de me décider à ne faire que de l’art. J’ai été plaquiste, j’ai été vitrier, j’ai travaillé dans le bâtiment… Mais j’avais tout le temps des crises d’angoisses et je ne savais pas pourquoi. Jusqu’au jour où j’ai commencé à creuser et où je me suis dit : « En fait, je ne suis pas heureux ». Aujourd’hui, je galère pas mal et je me dis que la route va être longue. Mais j’ai toute la vie devant moi et je sais que je n’aurais pas de regrets plus tard…
Quels sont tes futurs projets et où en es-tu de tes rêves ?
J’ai été sélectionné pour exposer au Marché de la Création à Lyon, cet été. Avec Tang, on a présenté une exposition à deux, au mois de mai, et on travaille sur un projet de fresque monumentale. Je crois sincèrement que je suis en train de réaliser mes rêves, aujourd’hui. Je me souviens que lorsque j’étais encore en études, je disais : « Un jour, je vivrais de ma peinture ». C’est ça, mon rêve. Et je travaille dur pour le réaliser.
Si j’étais le génie de la lampe d’Aladin et que tu pouvais exhausser trois vœux, lesquels seraient-ils ?
Je voudrais avoir un atelier à moi. Un grand lieu, comme un hangar, où je pourrais me déplacer en skate-board ou en trottinette et mettre de la peinture partout. Mes deux autres vœux, je les offre à qui les veut.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu aimerais répondre ?
Je voudrais juste dire aux gens de faire ce qu’ils veulent vraiment de leurs vies. Je ne suis qu’au début du chemin, mais je peux voir clairement que j’ai fait le bon choix. Quand je travaillais en usine, il y avait des gens autour moi qui étaient là depuis 15 ans et ils n’étaient pas heureux. À quel moment avaient-ils abandonné leurs rêves d’enfants ? Les enfants n’ont pas de barrières. Il n’y a pas de limites dans leur monde. C’est en grandissant que les gens renoncent à leurs rêves. Alors, je leur dis : « Ne renoncez pas ».
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Urban Art Jungle Festival #5, 3 jours, 17 artistes locaux, nationaux et internationaux. Du 14 au 16 juin 2019, à la Friche l’Autre Soie, 24 rue Alfred de Musser, 69100 Villeurbanne (Métro arrêt Vaulx-en-Velin La Soie).
Préventes : http://bit.ly/billetterieUAJ5
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